Dans son article Fashion Has Abandoned Human Taste (The Atlantic, 23 juin 2022), Amanda Mull explique pourquoi tous les vêtements se ressemblent aujourd’hui et les raisons pour lesquelles certaines tendances que l’on imaginerait comme temporaires (comme les manches ballon) semblent devenir éternelles.
Mull attribue la raison de ce phénomène à la fast fashion, ou mode jetable, et à une reproduction industrielle simplifiée. Selon Mull, il est bien plus facile de prendre quelques robes ou t-shirts bon marché qui s’adaptent à toutes les silhouettes et à tous les budgets, et d’y ajouter des manches ballon. C’est la raison pour laquelle « À une époque où la plupart des tendances deviennent de plus en plus éphémères et moins universelles à cause du débit constant de produits » et malgré le fait que le client n’ait jamais eu autant de choix qu’aujourd’hui, « la plupart des vêtements qui finissent dans les magasins se ressemblent étrangement ».
En résumé, la fast fashion a retiré la créativité humaine de l’équation. Ces individus pleins d’idées, qui font attention au détail, qui ont de l’intuition et qui fonctionnaient comme des espèces de détecteurs de tendance humaine ne sont plus en vogue. Mull affirme que, vers la fin des années 1990, la prédiction des tendances a commencé à devenir « plus centralisée et plus axée sur les données » à cause des ordinateurs, d’Internet et de techniques d’analyse des données de plus en plus sophistiquées.
Le modèle fast fashion se caractérise par « l’utilisation de matériaux bon marché, des salaires étrangers peu élevés, et des délais de fabrication ultra-courts pour bombarder les clients de nombreux nouveaux produits », ce qui force à la fois les marques traditionnelles, qui prenaient auparavant leur temps pour créer leurs collections, à s’adapter au rythme de ces concurrents rapides. De plus, les marques de fast fashion produisent si rapidement qu’elles n’ont même pas besoin de prédire les tendances. Elles se contentent de tester le marché, de reproduire et de continuer à reproduire ce qui se vend.
Selon Mull, dans ce monde interconnecté, il suffit aux marques de mode jetable de parcourir le net ou de copier le travail de créateurs indépendants, comme elles le font déjà, pour inonder le marché de robes bon marché, légèrement personnalisées. Avec le temps, ces pratiques entraînent une homogénéisation : « En haut de la chaîne alimentaire, un créateur a une idée intéressante et des détaillants plus conséquents et plus efficaces non seulement le copient mais se copient également entre eux. »

Plus intéressant encore, Mull parle du fait que le shopping en ligne continue de se développer et que les clients n’ont plus réellement conscience des vêtements qu’ils achètent. Internet leur renvoie une image qui n’est pas la leur et les acheteurs payent d’avance. Les utilisateurs finissent donc par accorder plus d’importance au plaisir immédiat d’acheter quelque chose de nouveau qu’aux vêtements qu’ils ont réellement achetés. Lesquels ne leur iront probablement pas une fois qu’ils les auront essayés.
De plus, ces vêtements (sans doute de qualité médiocre et anodins) que nous achetons parce qu’ils sont faits pour sembler indispensables entreront dans les algorithmes de vente qui continueront encore et encore de proposer aux clients les mêmes styles. C’est ainsi que le marché finit par être constamment inondé de produits identiques, et c’est pourquoi Mull nous surprend avec la phrase la plus révélatrice de sa conclusion : « Les magasins stockent des produits que vous n’adorerez peut-être pas, mais que les données prédisent que vous ne détesterez pas totalement non plus. »
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